vendredi 1 mai 2009

Le goût de l'autre, le temps des questionnements

Déjà 5 dîners depuis le lancement du projet «le goût de l’autre» le jeudi 30 octobre 2008!
Et au dernier repas, le 26 mars, l’ambiance était plus détendue, on appréciait le moment avec plus de simplicité et du coup la parole était plus libre.
Impression d’avoir franchi un cap.
L’étape de l’installation est passée, on entre dans le vif du sujet.
Alors quoi ?
Quel était l’objectif initial ?
Où en sommes-nous ?
Nous avions dit :
  • Favoriser des rencontres entre personnes qui ne trouveraient pas l’occasion de se côtoyer.
  • Initier la découverte, l’intérêt de chacun envers l’autre, différent et unique
  • Partager le plaisir d’un bon repas.
Pour l’instant, il y a eu quelques rencontres, oui, même si nous sommes un peu timides. Il arrive qu’on ne sache pas trop comment amorcer la conversation. Y joindre toute la «tablée» ou laisser parler spontanément les participants avec leurs voisins ? À chaque fois, on improvise selon l’ambiance du jour, cela reste parfois hésitant.
Les uns sont «curieux», s’intéressent ou se racontent, les autres sont plus en retrait.
Partager le plaisir d’un bon repas, ça pose moins de questions, l’objectif est atteint.
Le « protocole » est français. Entrée, plat, dessert. Les plats servis et débarrassés les uns après les autres ; les entrées et les desserts français et les plats préparés par un cuisinier migrant (chaque fois différent) suivant une recette de son pays d’origine. Un Paris gastronomique miniature comme il est, cosmopolite.
Jusqu’à ce jour, nous avons goûté des plats maliens, marocains, boliviens, coréens et guinéens.

Et entre les lignes, qu’avons-nous trouvé ?
Du côté des participants migrants, ce sont pour l’instant le plus souvent, les personnes qui suivent les cours de langue du RCI. Des hommes, des femmes viennent parce que c’est une sortie possible en termes financiers et de confiance. C’est l’occasion de s’habiller un peu, passer une soirée hors de la maison, parler plus librement que pendant les cours avec les camarades et surtout rencontrer des français qui ne soient pas un patron ou un professionnel, dans un climat bienveillant.
On met l’accent sur la qualité de l’accueil, une table bien mise et une cuisine soignée. Ce n’est pas « tous les jours » et cela fait du bien d’oublier quelques heures les difficultés de l’exil, l’absence des siens restés au pays, le dur apprentissage d’une nouvelle langue et de nouveaux codes sociaux culturels.
Je pense à cette dame chinoise qui ne parle pratiquement pas le français après des années de vie en France mais essentiellement dans sa communauté et qui ose s’inscrire une première fois. C’est intimidant de s’asseoir à la table, nous sommes 16 en tout. La dame se concentre sur son assiette et ne lève pratiquement pas la tête du repas. Ses voisins essaient de lui parler, mais elle ne peut répondre. La soirée s’achève, elle n’a parlé qu’une fois quand je lui ai demandé si tout allait bien.
Pourtant le mois suivant, elle se réinscrit, détendue cette fois, et là, je la vois la tête haute, les épaules ouvertes, disant quelques mots à ses voisins, le sourire aux lèvres. Ce mois-ci, le plat est guinéen. C’est la première fois qu’elle goûte de la cuisine africaine, elle se ressert plusieurs fois. À la fin du repas, elle me dit que la prochaine fois, c’est elle qui fera la cuisine. Je me dis qu’il s’est joué quelque chose, là.
Côté français, les « dîneurs » sont assez curieux, intéressés par l’idée de partager un dîner avec des gens différents des amis, des rencontres habituelles et de goûter des plats différents, faits « maison ».

Je me demande ce qui m’a marqué la dernière fois quand j’ai éteint la lumière en me disant, cette fois, on y est !
C’est peut-être l’alchimie entre les plats partagés, les goûts découverts, les gens qui se parlent de manière un peu obligée au début mais qui finissent par se trouver bien là, à parler de tout, de rien, de son parcours, sans autre raison particulière que d’essayer de changer ses habitudes, peut-être changer le regard qu’on porte sur l’autre et d’y prendre goût.

Nathalie

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